Momar Gaye, le conteur qui fait vivre l'Afrique au festival du livre de Mouans Sartoux

Si  vous allez à Mouans Sartoux, vous ne pouvez pas ne pas rencontrer ou entendre parler de Momar. Cela fait vingt ans qu'il s'y est installé, et depuis plus longtemps encore il participe au salon du livre qui s'y tient tous les ans et qui est devenu, dans la commune, l'un des événements incontournables de l'année. Pendant trois jours, des tentes sont dressées dans le centre-ville : place aux livres, place à la culture. Momar, lui, séduit petits et grands par ses contes, mais ne vous y méprenez pas, il ne propose pas que des contes d'Afrique, il surprend également son auditoire en lui servant, à la sauce africaine, des contes de France.

 

"L'Afrique ne peut exister que par l'action de ses fils et ses filles",

une phrase qui revient  souvent dans la bouche de Momar.

Momar, c'est la simplicité, la joie, l'amitié, l'esprit bon enfant, mais il est aussi l'enfant des jeux d'esprit. Il s'amuse souvent avec la langue, pour le bonheur de ses interlocuteurs. Pourtant, du rire à la réflexion, la distance est parfois si ténue qu'on la franchit sans qu'il n'y paraisse.

Quand bien même il l'a quittée depuis plusieurs décennies, l'Afrique n'a jamais quitté Momar et il veut la faire découvrir à tous ceux qui visitent le salon. Les habitués le connaissent très bien. Il faut même dire que Momar est une célébrité à Mouans-Sartoux. On l'interpelle à chaque coin de rue, à chaque stand du festival.

" - Eh ! Momar !

- Salut, les amis !

- Alors, ça a été, aujourd'hui ?

- Oh, formidable ! J'étais au château, mes petits auditeurs étaient nombreux, le château était fleuri d'enfants aujourd'hui !

- Ah ben, avec toi, ce n'est pas étonnant, tu sais comment faire fleurir les enfants !"

Et de grands éclats de rire viennent ponctuer cette conversation amicale. Plus loin, un homme l'arrête :

" - Momar, c'est où, les contes, demain ?

- Salle Léo Lagrange, à 14h !

- Super, je viens avec mon neveu !"

Plus loin encore, une dame qui, manifestement, vient pour la première fois au salon et ne connaît pas Momar, est présenté à celui-ci. Momar lui demande : "Vous connaissez le Sénégal ?" Et sans laisser à la dame, prise de court, le temps de formuler une réponse, il rétorque lui-même : "C'est un régal sans égal !"

Parfois, c'est l'innocence des enfants qui laisse les adultes sans voix : "Maman, regarde, le Monsieur, il a une moquette sur la tête !"  

Je ne pouvais pas ne pas vous faire découvrir cet homme actif, cet artiste chaleureux, ce conteur génial. En plus d'être conteur, Momar est poète et dessinateur. Il a bien voulu répondre à quelques questions.

 Carte postale "Un bon Nègre", de Momar Gaye, face A

Carte postale "Un bon Nègre, de Momar Gaye, face B.

INTERVIEW

- Momar, as-tu le sentiment de représenter quelque chose ?

- Oui, je me vois comme un ambassadeur des cultures africaines, je propose à mes auditeurs un programme sur la connaissance des cultures  et des modes de vie des peuples du continent noir : croyances, cérémonies, fêtes, médecine traditionnelle, symboles etc.

- Quel est ton public ?

- Mes programmes s'adressent à tous : de deux à cent ans, mais c'est vrai que j'ai longtemps travaillé avec l'Education nationale et je continue d'ailleurs à le faire. Les enseignants me faisaient venir pour des contes à thème. Le conte permet ainsi d'aller à la découverte du monde, ce sont des leçons de vie qu'il nous délivre, depuis la nuit des temps. Les textes sacrés, par exemple, fournissent de la matière pour les contes. Par exemple, dans l'histoire de Caïn et Abel, après son forfait, Caïn a l'impression d'avoir un oeil braqué sur lui, cet oeil, c'est la conscience, c'est un conte sur la conscience. L'histoire de David et Goliath, elle, est une leçon sur le combat de la force contre la malice. Les contes, dans toutes les civilisations, nous enseignent la vie.

- Quelle est la réaction des gens lorsqu'ils t'écoutent ?

- Ils sont émerveillés, et je suis émerveillé par leur émerveillement. En fait je découvre l'Afrique à travers ce que je fais. Ce qui est merveilleux avec les enfants, c'est que le message passe, ils réagissent tout de suite, ils en parlent autour d'eux, tandis qu'avec les adultes, le partage n'est pas automatique, c'est par les enfants que la transmission se fait...

- Tu as de longues années d'expérience derrière toi, as-tu un regret, ou plutôt un voeu à formuler ?

- Je trouve dommage qu'il n'y ait pas plus d'Africains qui participent à faire connaître le continent, à montrer cette richesse de l'Afrique, car il n'y a pas que les diamants, l'or, l'argent etc, en Afrique, il y a aussi la connaissance, la culture, qui est une bien plus grande richesse, et à laquelle on semble moins prêter attention. J'espère que l'éveil, qui semble se manifester de nos jours, va se poursuivre et s'intensifier. Cette Afrique pleine de richesses culturelles ne peut exister que par l'action de ses fils et de ses filles.

Propos recueillis le 4 octobre, au festival du livre de Mouans Sartoux.

Depuis des années, Momar Gaye s'attache à partager, avec les enfants, avec les plus grands aussi, la richesse de l'Afrique. C'est un homme de partage, il tend toujours ses bras, convaincu que d'autres vont les saisir et former avec lui, une belle chaîne humaine ! Mais la première impression que donne Momar, c'est d'abord sa bonne humeur, qu'il communique à tout ceux qui l'approchent.

Momar, un conteur génial, un Africain qui veut voir briller son continent, par l'action de ses fils et de ses filles.

 

Les enfants des établissemets scolaires que Momar visite sont parfois si reconnaissants d'avoir vécu un moment magique qu'ils font parfois au conteur des cadeaux précieux, comme cette oeuvre géante représentant des animaux d'Afrique, peinte par les enfants d'une école de la région. Belle dédicace à Momar.

Comments

[Obambe GAKOSSO]

Bravo à toi Liss, pour cette initiative.

J'ai beaucoup aimé et c'est émouvant pour moi de voir des conteurs.

Je les adore.

Ils savent souvent parler, raconter des choses belles, tristes etc.

Dommage que nous n'en ayons pas assez.



@+, O.G.

[Kihindou]

Oh ce serait formidable de recevoir Lilian Thuram au collège, les élèves seraient bien contents, puisque son association te relance, pourquoi ne pas réaliser ce projet ? Je comprend que ce soit un peu dommage que cela se fasse un an plus tard, tu n'as peut-être pas les mêmes élèves, mais bon... Moi aussi, j'ai eu la pensée il y a quelques semaine de faire venir un auteur d'Afrique au collège. Je pensais à faire venir Léonora Miao dont nous lirions le recueil de nouvelles en classe, pour l'année prochaine, mais tout ceci ne constitue encore qu'une idée. Tu me feras part de ton expérience si ça marche.

[St_Ralph]

...Il s'agissait d'un entretien avec l'inspecteur et non avec le "directeur" ! Quant à ce dernier, il connaît ma passion.

[Kinzy]

Comme c'est dommage , si loin de chez moi !

Merci chère Liss de nous faire partager cet instant

[St_Ralph]

A vrai dire, j'ai "balancé" cette phrase à la face du directeur quand il m'avait demandé où en était mon engagement personnel au sein de l'établissement. Mon engagement personnel sera désormais de faire ressortir la contribution des Noirs à l'histoire de France. Cette phrase était ma façon de justifier mes projets pédagogiques supplémentaires. Bien au contraire, mon projet lui a semblé fort intéressant. Maintenant il ne me reste plus qu'à m'arranger avec ma direction pour qu'il soit pris en charge par l'établissement.



L'année dernière, j'avais invité Lilian Thuram qui n'avait pas pu venir. Cette année, je suis relancé par son association qui aimerait que je convienne d'une date avec lui. Je verrai bien.