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Valets des livres
19 janvier 2014

Chêne de Bambou aux "Vendredis littéraires et du théâtre"

Quand une volonté se manifeste autour d'un projet et que plusieurs autres la rejoignent pour ne former avec elle qu'une seule et même volonté, cela donne une dynamique tellement forte que, non seulement les obstacles sont balayés sur son passage, mais encore elle entraîne avec elle bien d'autres volontés, peut-être réticentes ou hésitantes au départ ; des volontés aussi qui croyaient ne pas avoir l'énergie nécessaire pour participer à cette dynamique.

 

 

Voyage au Congo 292

 

 

C'est ainsi que, de la simple idée de céléber d'une manière particulière les 60 ans de la littérature congolaise est né un véritable mouvement. Cette idée est partie d'un rêve, fait par Aimé Eyengué : "Je fais un rêve, celui de voir tous les auteurs congolais, quel que soit leur lieu de résidence, unis pour fêter ensemble la littérature congolaise." Tout part souvent d'un rêve, et nous nous sommes pris à rêver avec Aimé Eyengué, si bien qu'il n'a pas fallu attendre longtemps pour que la réalité donne de la substance au rêve. Après les trois belles journées organisées à Paris autour de la littérature congolaise : au salon du livre de L'Hay-les-Roses le 19 octobre 2013, à la Maison de l'Afrique, rue des Carmes, le 10 novembre 2013, puis à la librairie-Galerie Congo, rue Vaneau, le 12 décembre 2013, c'était au tour du Congo d'honorer sa littérature. Le Centre Culturel Français de Pointe-Noire a organisé trois jours de festivités, du 12 au 14 décembre 2013, dans la capitale économique du Congo, puis il s'est tenu, à Brazzaville, le premier salon du livre, mettant à l'honneur Jean Malonga, premier écrivain congolais.

 

Voyage au Congo 275 

 

Ce n'est pas tout, en attendant l'organisation, par le ministère de la Culture, de la biennale des arts et des lettres l'été prochain, une autre idée est née : celle de se retrouver, tous les vendredis, autour d'une oeuvre, autour d'un auteur. La rencontre a été baptisée "les vendredis litéraires et du théâtre", car parmi les oeuvres, place doit également être faite aux pièces de théâtre, afin que ce genre sorte des décombres de la négligence et de l'oubli où il semble se trouver depuis quelques temps. L'organisation à Brazzaville du Grand Prix du Théâtre africain a d'ailleurs grandement participé à redonner de l'intérêt au Théâtre, et ce grâce au travail du Président de l'Unéac, Monsieur Henri Djombo, qui déploie tous les moyens en son pouvoir, pour que vive la littérature congolaise.

 

Voyage au Congo 270

(De gauche à droite : Pierre Ntsemou, Apollinaire Singou Basseha, Liss Kihindou, Ferdinand Kibinza et Ramsès Bongolo, tous écrivains.)

 

Le 27 décembre, pour la deuxième édition des "vendredis littéraires et du théâtre", c'était Chêne de Bambou qui était à l'honneur. Les écrivains résidant à Brazzaville, dont j'ai fait la connaissance au salon du livre, ont exprimé leur soutien et leur amitié par leur présence. Des aînés et amis de longue date, passionnés de littérature, comme Apollinaire Singou Basseha et Ferdinand Kibinza, celui qui fut le patron de "Ngouvou", revue qui anima culturellement, pendant de longues années, les collèges et lycées du Congo, étaient là également. Les amis du banc de l'école ou de la Fac n'étaient pas en reste. Je remercie Lysiane, Arsène Côme et Edouard Ngamountsika d'être venus à la rencontre. 

 

Voyage au Congo 287

 

Que dire des écrivains qui sont avant tout de hautes personnalités politiques de notre pays ? Même si leur étiquette d'homme politique était plutôt de côté pour donner toute la place à celle de gens de lettres, il faut reconnaître que Messieurs Henri Djombo et Benoït Moundélé-Ngollo, respectivement ministre des eaux et Forêt et préfet de Brazzaville, sont toujours dans l'exercice de leur pouvoir, et que de par leur fonction, ils ont, l'un et l'autre, un calendrier ainsi que des contraintes qui ne leur laissent pas toujours le loisir de se consacrer librement aux loisirs que représentent les rencontres littéraires. Or, c'est justement l'impression qu'ils nous donnent. Le peu de temps que j'ai passé à Brazzaville et où je les ai côtoyés m'a permis de me rendre compte à quel point ils étaient passionnés, prêts à tout pour l'amour de la littérature. 

 

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Le pot de clôture du salon du livre, offert par le ministre et président de l'unéac Henri Djombo, qui était censé ne durer que quelques heures en raison d'une réunion d'ordre politique du ministre, s'est finalement prolongé toute l'après-midi, une après-midi qui a été pimentée par les interventions du général Moundélé-Ngollo, qui se sent comme un poisson dans l'eau lorsqu'il s'agit de dire franchement ce qu'il pense, tout en faisant de l'humour.

 

Pour revenir aux vendredis littéraires, lorsqu'il apprit que le 27 décembre me serait consacré, et connaissant mon action en faveur de la littérature à travers les articles de mon blog Liss dans la Vallée des livres dont nombreux sont consacrés à la littérature congolaise, le général Moundélé-Ngollo a repoussé un voyage qu'il devait faire ce jour-là pour être de la fête. Il a d'ailleurs pris le soin de se procurer à l'avance un exemplaire de Chêne de Bambou pour pouvoir intervenir en connaissance de cause. 

 

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Que Monsieur le ministre Henri Djombo et Monsieur le préfet de Brazzaville Benoît Moundélé Ngollo trouvent ici l'expression de ma reconnaissance pour leur soutien multiforme, pour les encouragements qu'ils apportent aux jeunes auteurs, je pense notamment à ceux qui sont sur place, au Congo, et qui éprouvent plus de difficultés que ceux de la diaspora à faire la promotion de leurs oeuvres. Je précise que les "vendredis littéraires" se déroulent à l'hôtel de la Préfecture, donc avec la bénédiction du Préfet. C'est une grande et belle salle, le vendredi 27 décembre, il y avait encore tant de places libres, la salle n'était pas comble, loin de là, mais parmi les personnes présentes, qui toutes étaient venues par intérêt pour l'auteur et l'oeuvre présentés, le plus heureux était sans doute mon père, qui éprouvait un plaisir manifeste à pouvoir interroger sa fille sur le roman qu'elle avait écrit. Eh oui, dans le public, il y avait aussi la famille : père, mère, frères, oncles, cousines, nièces... 

 

Voyage au Congo 277

 

Je remercie également mon mari qui m'a accompagnée et soutenue dans toutes les activités auxquelles j'ai participé à Brazzaville. Quand je me compare à Buchi Emecheta, écrivaine nigériane dont le mari jaloux allait jusqu'à détruire ses manuscrits, je me dis que j'ai bien de la chance d'avoir un compagnon qui, sans être un passionné de littérature, encourage son épouse à relever tous les défis qui s'imposent à elle du point de vue littéraire. Je n'aurais pas pu effectuer ce voyage s'il ne partageait pas mon enthousiasme pour un retour au pays en tant qu'écrivain, alors que je l'ai quitté, 14 ans plus tôt, en tant qu'étudiante. 

 

Voyage au Congo 285

 

Heureusement qu'il était là, d'ailleurs, car c'est lui qui a dû affronter le mécontentement des journalistes congolais, venus nombreux à la rencontre. Celle-ci a été animée par Apollinaire Singou Basseha, avec la belle participation des écrivains Pierre Ntsemou et Ramsès Bongolo, qui ont chacun fait une présentation remarquable de Chêne de BambouJe parlais tout à l'heure de ma joie de voir tous ces amis et parents réunis en mon honneur, de l'honneur en particulier de compter dans le public des personnalités comme Henri Djombo et Benoît Moundélé-Ngollo, j'étais pour ainsi dire sur un petit nuage, me disant : "franchement, il y a de l'espoir dans notre pays, la littérature congolaise a encore de beaux jours devant elle si des gens peuvent se mobiliser parce qu'ils considèrent qu'il y a des talents dans notre littérature, encourageant ainsi d'autres talents à se manifester. En plus la télévision et la radio congolaises sont là !" En effet, Télé Congo et DRTV ont pris des images de la rencontre, et à la fin de celle-ci, des journalistes sont venus m'interviewer pour les informations en langues nationales. Je devais m'exprimer en lingala, puis en munukutuba (difficile de ne pas introduire des mots français dans mon lingala et munukutuba peu satisfaisants !) Bref, j'étais très enthousiaste, optimiste, voyant tout de manière positive !

 

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Mais comme le Seigneur Jésus qui, après sa longue période de jeûne, fut accueilli par le tentateur qui le ramena brutalement aux réalités terrestres, je ne tardai pas à dégringoler de mon nuage, tout à la fin de la rencontre. Je me vis tirer à l'écart par un des journalistes qui se lança dans un discours que j'avais du mal à comprendre. Que m'expliquait-il donc ? Que me voulait-il, ce journaliste ? Dans son flot de paroles je distinguais nettement "100 000 ou 150 000 francs",  mais je ne voyais pas du tout à quoi raccorder cela. Je dus demander au journaliste de reprendre. Là, prêtant attentivement attention, la lumière commença à se faire dans mon esprit : le journaliste expliquait comment cela fonctionnait chez eux : selon que l'on veuille faire la une du journal, que la totalité de la rencontre soit retranscrite ou qu'on en parle simplement dans le journal, sans être exhaustif, on payait une somme plus ou moins importante. "Quoi ? m'écriai-je, vous me demandez de vous donner de l'argent pour parler de cet événement dans vos journaux ?" Vous imaginez bien mon étonnement et mon désappointement : c'est quoi ces chaînes de télévision qui en réalité ne sont pas au service de l'actualité mais au service de celui qui peut remplir le plus leur bourse ? N'était-ce pas naturel et même un devoir pour eux de parler des événements qui se produisaient au pays comme à l'étranger ? N'étaient-ils pas payés pour ça ? Pour passer une info sur leur antenne, il fallait payer, PAYER ??? Mais c'est quoi, ces organes de presse qui ne tournent qu'en fonction des matabiches reçus ? Autant de questions qui se bousculèrent dans mon esprit et qui me révoltèrent ! Je fis comprendre au journaliste que je ne trouvais pas correctes ces manières de faire. Est-ce que moi, quand je fais des articles sur les livres des autres, quand je parle de l'actualité littéraire, on me paye ? Tenir un blog, c'est être un peu journaliste, non ? C'est informer les lecteurs. Bref je tournai les talons, s'ils voulaient mettre à la poubelle les enregistrements qu'ils avaient faits parce qu'ils n'avaient reçu aucun sou, ils n'avaient qu'à le faire ! En plus, croyaient-ils que, parce que je vivais en France, j'étais fortunée ? Je n'avais pas sur moi la somme qu'ils me demandaient, comme ça la discussion était close : vous voulez de l'argent ? Je n'en ai pas !

 

Je ne vis pas que les autres journalistes suivaient à distance, ils étaient tous regroupés dans un coin et n'étaient pas prêts à partir sans rien, considérant qu'ils ne s'étaient pas déplacés pour rien. C'est donc mon mari qui dut aller parlementer avec eux, essayant d'apaiser les tensions. En effet, si moi j'étais presque en colère de voir cet envers peu glorieux de mon pays natal plongé dans la corruption, eux ne l'étaient pas moins face à ce qu'ils prenaient peut-être pour de la désinvolture, je n'en sais rien. En tout cas ils n'étaient pas contents de voir que je voulais déroger à la règle, et la règle c'était de payer les services de la presse. "Tala, Monsieur, dites à votre femme-là qu'ici c'est pas comme chez vous là-bas où les journalistes vous courent après, ici il faut mettre la main à la poche !"

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Commentaires
J
Chère amie, juste te rappeler que tu es rentrée en France et que tu nous as laissés sur notre soif concernant la présentation de ton dernier roman intitulé Chêne de bambou. Tu sais très bien que c'est toi qui as inauguré les vendredis littéraires du livre et du théâtre à la salle gracieusement offerte par l'Hôtel de la préfecture de Brazzaville, malheureusement le temps imparti n'avait pas permis aux auditeurs que nous étions d'entrer dans le vif de ton oeuvre, exception faite des critiques littéraires qui étaient avec toi au podium. Tu es aussi sans ignorer que les quelques personnes qui t'ont interrogée ce jour-là n'avaient fait qu'effleurer l'oeuvre, et donc étaient restées en surface. Nous avions bien voulu t'écouter en restreint et pénétrer l'oeuvre en profondeur; nous avions bien voulu traiter de ton oeuvre entre écrivains. Cela avait d'ailleurs fait l'objet d'une invitation spéciale. Hélas, le temps n'a pas été en notre faveur. Tu as filé pour rattraper l'hiver auquel tu t'es habituée depuis quelques temps. Qu'à cela ne tienne, le voeu est toujours là et nous allons le tenir. Tu peux compter sur nous. Pour le reste, nous nous attelons à pérenniser les vendredis littéraires du livre et du théâtre et ça se passe plutôt bien. Juste après ton passage, il y a le Théâtre de l'environnement qui a, pendant deux vendredis littéraires du théâtre, interprété deux pièces intitulées "Le mal de terre" et "Le cri de la forêt" de Henri Djombo. Pour ce qui est des vendredis littéraires du livre, deux ouvrages ont été passés au crible: "Le fleuve, le manguier et la souris" de Denis Sassou N'guesso et "Fantasmons ensemble un instant dans un snoprac" de Benoît Moundélé-Ngollo. Naturellement, tu as eu la malchance de passer avant tout ce beau monde, car je me souviens que nous avions tâtonné au départ pour des questions de logistique (cocktail, presse, cachets divers, etc.,.). A tout bien comprendre.<br /> <br /> Bien cordialement.<br /> <br /> Jessy E. Loemba
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K
Chère Françoise, je n'ai pas vu de mes yeux, mais une parente avait appelé pour nous dire de regarder la télé : on parlait de la dédicace, mais je n'étais pas à la maison et ne pouvais suivre : combien de secondes (je n'ose dire combien de minutes !) ça a duré, je ne saurais te le dire, mais vu que mon mari leur avait filé le peu qu'il avait sur lui, ils ont tout de même eu l' "honnêteté" de dire quelques mots sur l'événement...
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F
ben dis donc ....ont-ils fini par faire un article quand même ?
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K
J'espère que ça changera un jour, cela prendra sans doute du temps, c'est certain : il faudrait une véritable volonté politique pour que cesse ce système ou qu'il ait une moindre ampleur. <br /> <br /> Merci pour tes mots.
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K
Eh oui quelle tristesse ! Comme dit Jackie .<br /> <br /> Mais je salue surtout le dynamisme des congolais pour faire connaître leur culture et leur art ! Bonne continuation !<br /> <br /> <br /> <br /> Bô ma sœur
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