Splendeur cachée, d'Alima Madina
Splendeur cachée, tel est le titre du recueil de poésie de la Congolaise Alima Madina, qui vient par cette œuvre enrichir le cercle des auteurs du Congo Brazzaville en général, de celui des poètes en particulier. La volonté d’appartenir à la famille d’élus que constituent les poètes est bien affirmée dès le début du recueil, qui commence par des citations de poètes, et pas des moindres : Alfred de Musset, Aimé Césaire, Birago Diop et Jean-Baptiste Tati-Loutard. Mais ces citations mettent aussi en lumière la tonalité d’ensemble du recueil , qui creuse son chemin dans le sillon de la souffrance.
En effet, bien qu’un nombre important de poèmes soit dédié à l’amour, à la recherche de l'amour, ceux-ci ne servent finalement qu’à mieux faire entendre la complainte d’un cœur meurtri, d’un corps rudoyé par la vie :
Des bouquets d’épines scintillants
Apparaissaient inexorablement
Le long de toutes mes routes
(page 24)
Les mots sont plus durs, plus expressifs encore dans les deux vers suivants :
Tu as l’odeur des cartouches, m’a-t-on dit
Tu sors d’un petit pays maudit
(page 39)
Face à la difficulté de vivre, à la violence tant verbale que physique dans laquelle veulent nous enfermer les autres, il est urgent de trouver un rempart, pour ne pas se laisser écraser, pour tenir bon ; et la poésie peut être ce rempart, comme le témoigne le dernier quatrain du poème « Pleurs d’un réfugié » :
Coule ô sacré sang de mon cœur,
Coule pour traduire toute ma peine
Coule vite hors de mes veines
Pour que cessent enfin mes malheurs
(page 38)
Cet apparent appel à la mort, je l’entends plutôt comme un appel à la vie, si l’on considère que le sang représente ici l’encre qui coule et qui assainit ainsi, en s’épandant sur les pages du livre, le cœur de la poétesse.
Dans ce monde orchestré par le chaos : pauvreté, misère, guerre, trahisons…, les points d’équilibre, ceux auxquels la poétesse semble se rattacher, sont sa piété ainsi que la nature, qui ne trahit pas ou ne déçoit pas comme le font les hommes :
Autrefois, j’avais noué un pacte
Avec les belles chutes de la Loufoulakari,
Les beaux rochers des cataractes
Et les rapides du pont Djoueri
Pacte d’amour, pèlerinage d’évasion
Promenade solitaire pleine de rêveries
Toujours sincère et pleine d’émotions
Chaque coin m’offrait son amitié
(page 31)
Mais par-delà toutes ces thématiques il y a, pour Alima Madina, le plaisir d’écrire, de jouer avec les sonorités, la rime est permanente dans ce recueil, qui réaffirme, dans les dernières pages, la volonté d’appartenance à une lignée de poètes : deux poèmes, « La Rose du Mayombe » et « La Grandeur d’une âme », sont respectivement dédiés à Marie-Léontine Tsibinda et Tchicaya U Tam’si.
Ecoutons Alima Madina faire sa profession de foi :
Je veux être poète
La rime me fait tourner la tête
Ô combien de fois
N’ai-je pas rayé sans joie
Les écrits de ma plume !
Sur les traces de Hume,
Je n’ai pas trouvé d’estime
Si j’avais le talent de Senghor
Une verve digne de Pythagore
Je serais aux anges comme Theresa
Quelles règles devrais-je observer
Pour dire enfin « EUREKA » ?
(page 46)
Alima Madina, Splendeur cachée, Préface de Boniface Mongo-Mboussa, Editions L'Harmattan-Congo, 62 pages, 10 €.
Illustration de couverture : photo de la rivière Alima, au nord du Congo.