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Valets des livres
26 avril 2014

Marie-Léontine Tsibinda répond à une étudiante appelée Liss

Je Suis retournée au Congo seulement en décembre dernier. Je l’avais quitté après les guerres de 1997 et 1998, qui nous avaient obligés à user d’astuces pour préserver nos biens. Nous avions par exemple placé la belle vaisselle que nous avions dans une malle que nous avions enterrée derrière la maison. Nous l’avions retrouvée, intacte, avec son contenu, lorsque la vie normale reprit son cours. Des événements que je raconte dans Détonations et Folie. Pour les livres, les dictionnaires surtout, j’étais sûre qu’ils n’intéresseraient pas les pilleurs : lourds, encombrants et trop lents à écouler. Mais quand ceux-ci débarquaient dans une demeure, ils saccageaient tout et emportaient quand même sans réfléchir ce qu’ils pouvaient, se réservant le soin de trier par la suite. Je ne savais donc plus, de tous mes biens précieux : ces livres, ces documents, cette paperasse qui a pour moi une valeur aussi inestimable que des photographies du passé, je ne savais plus ce qui m’était resté, ce qui avait pu être sauvé, ce qu’on avait retrouvé. En retrouvant les miens à Brazza, j’ai eu cette agréable surprise de voir qu’ils avaient bien mis à l’abri, dans cette même malle qui nous avait jadis servi à soustraire certains biens à la convoitise des pilleurs, tous mes documents ! Combien je les remercie ! En ouvrant cette malle, c’était comme si j’ouvrais une boîte pleine de trésors : nombreux des livres qui constituaient mon ancienne bibliothèque, mes documents de la Fac, comme ma carte d’étudiante, les manuscrits de mes nouvelles, certaines publiées dans J’Espère, d’autres inédites, d’autres textes inédits, comme des poèmes, plein de choses qui ont fait ressurgir des souvenirs !

 

INTERVIEW Marie-Léontine et Anniversaire Papoune 334

 

Dans la malle, je tombe sur des feuilles dont l’écriture n’est pas mienne. Qu’est-ce ? A la lecture des premières lignes, je me souviens ! Je me souviens être allée au Centre Culturel Américain de Brazzaville pour rencontrer la poétesse Marie-Léontine Tsibinda. Je voulais l’interviewer, après avoir lu ses recueils de poèmes. Je ne sais plus si c’était pour le compte du journal Ngouvou que je voulais réaliser cette interview. C’était en quelle année ? Je ne me souviens plus. Je me souviens seulement que Marie-Léontine Tsibinda m’avait accueillie sans problème, en toute simplicité, et vu qu’elle était sur son lieu de travail, je crois que j’avais dû lui laisser les questions et que j’étais allée récupérer ses réponses. Ce sont ces réponses qui figurent sur ces feuilles et que je reproduis ici. On devine les questions en lisant les réponses. La vie nous réserve de ces surprises ! J’ai retrouvé Marie-Léontine sur la toile, grâce aux réseaux sociaux. Nous sommes régulièrement en contact, entre autres à travers le groupe « Femmes écrivaines du Congo Brazzaville », créé par Marie-Françoise Moulady, née Ibovi, ce groupe ouvert à toutes ces femmes originaires du Congo qui écrivent, certaines depuis la première heure, d’autres ayant seulement commencé l’aventure de l’écriture. Mais comme dans la parole des ouvriers loués à différentes heures, que l’on peut lire dans le chapitre 20 de l’évangile selon Mathieu, nous sommes toutes au même pied d’égalité devant le lecteur, notre maître, notre juge, celui de qui dépend notre sort à toutes !

 

 INTERVIEW Marie-Léontine et Anniversaire Papoune 335 

 

Réponses manuscrites de Marie-Léontine Tsibinda

1) Je ne regrette pas d’être née femme. Je l’accepte. Je suis femme avec mes défauts, mes qualités, mes rêves. Franck Stéphane est mon fils. J’ai été à la fois le père et la mère jusqu’au jour où mon destin acroisé le destin d’un autre poète, aujourd’hui mon époux. Je suis une femme qui se cherche et qui, au contact des autres, apprend à mieux comprendre la vie, avec tout ce qu’elle charrie : chagrin, joie, impuissance, aspiration et espérance.

 2) ‘‘Maronda’’ dans la langue de ma mère, le lumbu, veut dire en effet ‘‘merci’’. Et c’est le nom que j’aurais dû donner à mon fils si j’avais été au courant du rêve bien avant sa naissance. Mais l’explication du songe est arrivée bien après, c’est-à-dire en juillet, quand je suis allée à Girard chez mes parents accompagnée de Franck Stéphane. C’est ma grand-mère, Moungayi Marie, morte en 1981, qui a parlé à mon oncle pour annoncer la naissance de l’enfant.

 3) Je crois avoir répondu à la question au N°2. Mon oncle Job qui habite à ‘‘Les Saras’’, a rêvé de ma grand-mère. Elle lui disait : ‘‘ne crains rien, l’enfant naîtra, un garçon, au nom de Maronda.’’

4) Née le 6 septembre 1953 à Girard, je suis deuxième d’une famille de quatre enfants. Nous ne sommes plus que trois. Je suis mariée et mère de famille. Je travaille comme bibliothécaire au Centre Culturel Américain de Brazzaville, pour gagner ma vie et apprendre un peu la littérature et la civilisation américaines à travers les ouvrages de la bibliothèque. C’est un voyage aux facettes multiples à travers les USA.

Je suis diplômée de l’Université Marien-Ngouabi. J’ai publié quatre recueils de poèmes et deux nouvelles en participant au concours de la meilleure nouvelle de RFI.

 

Nouvelles

-          « Quand gronde l’orage », RFI, 6ème concours.

-          « L’Irrésistible Dekha Danse », RFI, 8ème concours.

 

Poésie

-          Poèmes de la terre, Editions littéraires congolaises, Brazzaville, 1981.

-          Mayombe, Editions Saint-Germain-des-Prés, Paris, 1980.

-          Une lèvre naissant d’une autre, Editions Bantoues, Heidelberg, 1984.

-          Demain un autre jour, Editions Silex, Paris, 1987.

 

Depuis, Marie-Léontine Tsibinda a publié d'autres textes. Je suis sûre aussi que, si on avait été à l'aire des téléphones aux multiples fonctions comme aujourd'hui, je l'aurais photographiée, mais je n'ai que les images qui se trouvent dans ma mémoire, et l'image la plus nette, c'est celle de ses ongles au vernis transparent, ses beaux ongles dont mes yeux avaient du mal à se détacher !

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Commentaires
K
Oui, Raphaël, il y a des choses, des textes dont on avait entièrement perdu le souvenir, et soudain on les retrouve ! Alors on se dit : "Tiens, j'avais écrit ça ?" C'est un moment plein d'émotion. Je suis vraiment contente de ce voyage, il faudrait que j'y retourne... sans attendre encore treize-quatorze ans !
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S
Je comprends tout à fait ton immense bonheur en retrouvant les traces écrites de ton passé. Chaque objet ne pouvait être à tes yeux qu'un trésor ! Je suis très heureux pour toi que tu aies retrouvé quelques vieux textes de ta main. Cela permet de mieux mesurer le chemin parcouru.
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L
Merci encore Liss pour ce texte excellent qui me rappelle aussi une visite rendue à MLT en ses bureaux lors d'un passage à Brazza. Bien à vous
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