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Valets des livres
4 juin 2014

Folie blanche et magie noire, Nika l'Africaine IV, d'Aurore Costa

Le quatrième tome du roman-fleuve Nika l’Africaine vient de paraître chez l’Harmattan. Aurore Costa a commencé cette saga en janvier 2007 avec le tome I, puis a suivi le tome II intitulé Perles de verre et cauris brisés, en décembre 2008. En juin 2011 paraît le tome III, Les larmes de Cristal. Enfin voici le tome IV, Folie blanche et magie noire,  paru en mars 2014. Ce devait être le dernier de la série, mais la boucle n’est pas encore bouclée ! L’histoire de Nika, qu’on a connue toute jeune fille dans le tome I, mariée contre son gré à un vieux polygame et initiée à la sorcellerie, découvrant l’amour avec un autre sorcier, se poursuivra encore et se terminera sans doute dans le tome V.

 

NIKA IV

 

Dans le tome III, nous avons assisté à la mort de Kinia, la fille de Nika, laquelle avait vécu une histoire d’amour secrète avec Manuel, un Blanc de la colonie pourtant marié. Son épouse Carmen ne comprenait pas alors l’indifférence de celui-ci, ni l’attitude très peu exemplaire qu’il avait envers elle. Elle ne découvrira la double vie de son époux que dans Folie Blanche et Magie noire

Kinia avait eu deux enfants de Manuel, qu’elle baptisera Manola (comme Manuel) et Luzolo (amour en langue congolaise). A la mort de la mère, qui survient lors de l’incendie de son village par des mercenaires blancs, leur grand-mère Nika recueille les jeunes métisses et trouve, dans la forêt équatoriale, ce qu’elle pense être le meilleur refuge pour les protéger contre d’autres exactions de Blancs et aussi contre les mauvaises langues et l’inimitié des Noirs, car les enfants métis, ces preuves gênantes mais indéniables de l’union physique entre des Blancs et des Noirs, font l’objet d’un rejet systématique dans l’une comme dans l’autre communauté. 

Nika veut aussi éloigner le plus possible ses petites-filles de leur père, qui désire peut-être les enlever à elle, alors qu’elles sont tout ce qu’il lui reste de sa fille Kinia, qu’elle ne cesse de pleurer. Or c’est également la réflexion que se fait Manuel. Kinia, cette jeune noire, était l’amour de sa vie, un amour qu’il vécut en secret, pour ne pas attirer sur sa famille la réprobation de toute la colonie blanche, mais quelques uns sont au courant, dont sa sœur Laulinda. Manuel n’a donc que faire de sa femme blanche Carmen qui se meurt pourtant d’amour pour lui. Elle repousse toutes les tentatives de séduction des Blancs qui la courtisent  lors des fêtes organisées dans leur milieu. Et pourtant il était de notoriété publique que les uns couchaient avec les femmes des autres dans cette colonie où la fidélité conjugale n’était qu’un leurre pour la grande majorité des couples. Loin du pays natal, les jeux de séduction sont la distraction la plus prisée par ces expatriés Blancs.

 

Manuel acceptera de suivre une soi-disant guérisseuse en pleine forêt, avec, dans son fort intérieur, l’espoir chimérique mais tenace de retrouver la trace de ses filles élevées en forêt par leur grand-mère. La guérisseuse se révèlera être membre d’une confrérie de cannibales qui se réjouit d’avance du festin que leur offrira Manuel : ils goûteront pour la première fois à la chair blanche ! Grâce à Naboa, une servante noire d’un certain âge, qui eut elle aussi une histoire d’amour passionnante avec un pirate Blanc, ils réussissent à semer les cannibales mais rencontrent des gorilles. La mort semble la seule issue, c’est même ce que le narrateur nous fait croire durant la première moitié du roman. Mais ceux qui sont partis veillent, on pourrait même dire que l’esprit de Kinia agit de sorte que sa fille Manola, qui s’était transformée en oiseau comme sa grand-mère pour parcourir la forêt, remarque cette scène étrange : un homme et une femme poursuivis par un gorille… C’est le début de la retrouvaille entre père et filles, quoique cela déplaise à la grand-mère Nika. 

Dans ce tome IV, histoires de cœur, jalousies, rivalités, vengeance et surtout sorcellerie sont encore au menu pour offrir au lecteur un bon moment de lecture. 

Aurore Costa s’intéresse dans cette saga à la rencontre, pour ne pas dire à la confrontation des civilisations blanche et noire. Cette intention transparaît déjà dans les titres. Si on ne l’avait pas perçu à travers les substantifs « perles » et « cauris » associés dans le titre du tome II, on n’a pas besoin d’éclairage particulier pour le comprendre en lisant le titre « folie blanche et magie noire ».

La folie, dans ce roman, c’est celle qui pousse un homme aussi sensé que Manuel à braver les dangers de la forêt pour retrouver ses enfants, nés de son amour pour une femme qu’il n’oubliera jamais ; c’est aussi celle qui fait perdre le goût de la vie à Carmen, malheureuse épouse de Manuel, mais qu’elle retrouve lorsqu’un autre homme, Paolo, fait battre son cœur. Oui, la magie, dans ce roman, ce n’est pas seulement les pouvoirs surnaturels, c’est aussi le pouvoir de l’amour, capable de renverser les situations au moment où on s’y attend le moins. 

 

Aurore Costa chez elle

 

Vous pouvez lire ou relire ma critique du tome I, celle du tome II, ainsi que celle du tome III en cliquant sur les liens. J’ai également publié des interviews d’Aurore Costa dans le magazine Amina. Aurore Costa, autant vous dire que c’est une auteure que je suis ! Elle est la première dans l’espace littéraire congolais et l’une des rares dans la littérature des Afriques, à écrire un roman en plusieurs tomes. Elle a également fait le choix de retracer l’histoire de la rencontre entre Blancs et Noirs, situant son histoire plusieurs siècles auparavant, écrivant une sorte de roman historique. J’aime les femmes qui se distinguent de l’ensemble, qui tiennent une pelote et la déroulent jusqu’au bout ! Bakento, les femmes, elles ont des choses à dire !

  

Aurore Costa, Folie blanche et Magie noire, Nika l’Africaine IV, L’Harmattan, mars 2014, 348 pages, 28 €. 

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