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Valets des livres
4 novembre 2015

La Complainte de l'Iroko, d'Aurore Costa

Aurore Costa boucle la saga Nika l'Africaine, avec La Complainte de l'Iroko, qui vient de paraître chez le même éditeur, L'Harmattan. Ce cinquième et dernier volume fournit les réponses aux questions qui ont tenu le lecteur en haleine tout au long de l'histoire, entre autres : Manuel récupèrera-t-il enfin ses filles Manola et Luzolo, que sa maîtresse noire Kinia, fille de Nika, lui a données avant de disparaître dans des conditions tragiques ? Leur grand-mère Nika acceptera-t-elle de les laisser partir ? Carmen, l'épouse légitime de Manuel , mais délaissée par lui, connaîtra-t-elle enfin la félicité avec Paolo, qui lui a fait ressentir ce qu'est vraiment l'amour ? Comment vivra-t-elle le fait de devoir tromper son mari ?

 

Couv Complainte Iroko

 

 

Le bonus, avec ce dernier tome, c'est que chacun des tomes précédents est résumé, belle contribution de Jacqueline Navarro et Gérard Coffinet. Les habitués de la saga apprécieront ce rappel des événements antérieurs, et les lecteurs qui découvrent la saga par ce dernier volume pourront prendre le train en marche sans aucune difficulté.

 

L'un des thèmes principaux de la saga étant la sorcellerie, Aurore Costa réserve au lecteur, dans ce dernier acte, une apothéose de manifestations surnaturelles, des métamorphoses extraordinaires qui médusent les Blancs sceptiques de Ndapé, comme Miguel qui refuse jusqu'au bout d'accorder tout crédit à ce que ses yeux semblent avoir vu. Mais les faits sont là et il est bien obligé de croire que la vieille Nika est une puissante sorcière, surtout après la guérison miraculeuse de Manuel. En effet, il y a des pathologies contre lesquelles la médecine du Blanc ne peut rien, car elles relèvent d'un autre domaine, d'une autre science. Et pourtan, ceux qui sont capables, par des pouvoirs que la raison ne peut expliquer, de guérir là où la médecine ordinaire échoue, sont de suite considérés comme dangereux, comme une menace, si bien que le sort qui leur est réservé, c'est la mort, ce que déplore l'auteur dans son roman :

« En offrant la peine capitale à qui redonnait la vie en utilisant des connaissances inexplicables pour le Blanc, ils firent disparaître une science qui aurait encore servi. »

(La Complainte de l'Iroko, page 307)

 

Aurore Costa invite le lecteur à ne pas tout condamner en bloc, ni à applaudir à tout. Toute sorcellerie n'est pas nuisible, elle permet à certains de protégéer leur village, leur famille, contre une invasion étrangère. Mais il y a aussi ceux qui utilisent leurs pouvoirs pour nuire à autrui, pour leur jouer de vilains tours, pour le plaisir ! Tout dépend des dispositions de son coeur, porté vers le mal ou porté vers le bien. Manola par exemple, qui a été initiée aux choses secrètes par sa grand-mère Nika, est vue par les autres comme une sorcière dont il faut craindre les pouvoirs, contrairement à Nika qui inspire confiance à ses proches.

L'auteur déplore également la transformation progressive des sociétés africaines au contact du Blanc, car là aussi, s'il y a du bon, il y a aussi du mauvais, en particulier la gangrène de l'argent, qui devient le maître au nom duquel tout se fait ! Au contact des cultures et civilations différentes, il faut savoir prendre ce qui peut nous être utile et résister à ce qui peut constituer une perte des valeurs ; mais ce doit être une prise de conscience collective. Une seule personne ne peut empêcher la gangrène de prendre racine.

Nika, perspicace, visionnaire, vit mal les transformations qu'entraîne la présence des Blancs sur sa terre. Les croyances, les coutumes, les valeurs, et même les territoires subissent de profondes modifications. Ce qui était aux Noirs appartient désormais aux Blancs, qui en usent selon leur bon vouloir. On se fait déposséder de ses biens fonciers. Ce en quoi on croyait est regardé maintenant comme rétrograde. En un mot, la société est en train de muer en quelque chose qui fait horreur à Nika, et qu'elle ne veut pas voir, c'est pourquoi elle veut partir le plus tôt possible rejoindre ses ancêtres, car sa sorcellerie ne pourra pas arrêter la roue de l'histoire, qui tourne et apporte avec elle l'esclavage, la colonisation, le racisme et tous les maux qui sont nés à partir du moment où un homme s'est jugé supérieur à un autre et l'a assujetti à ses besoins.

 

Aurore Costa, La Complainte de l'Iroko, Nika l'Africaine V, L'Harmattan, 2015, 348 pages, 28 €.

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