"Bonne Année", d'Ophélie Boudimbou, Anthologie des 60 ans de la littérature congolaise.
L'histoire de la littérature congolaise commence avec Jean Malonga, en 1953. 60 ans plus tard, les auteurs du Congo s'organisent pour honorer sa mémoire et célébrer les noces de diamant de cette littérature congolaise si remarquée, en publiant un livre collectif intitulé "Anthologie des 60 ans de la littérature congolaise", publié en 2015 aux Editions L'Harmattan. Voici l'entretien que nous avons eu avec Ophélie Boudimbou, la plus jeude des auteurs ayant participé à cette anthologie.
Vertu Ophélie Boudimbou, vous êtes la plus jeune des 26 auteurs qui ont écrit ensemble un livre d'or, une anthologie, afin de marquer les 60 ans d'existence de la littérature congolaise. Quel effet cela vous fait-il de vous retrouver aux côtés d'auteurs plus chevronnés comme Marie-Léontine Tsibinda ?
C’est tout simplement un grand honneur et une fierté ! J’ai toujours rêvé de rencontrer tous ces auteurs qui ont nourri plus ou moins mon enfance. Ayant grandi dans une famille de littéraires, j’entendais très souvent mes parents échanger autour de la littérature congolaise et de ses lettres de noblesse. Marie Léontine Tsibinda fait partie de celles qui m’ont beaucoup impressionnée, tout d’abord en découvrant son talent artistique à travers les archives du Rocado Zulu Théâtre. Et plus tard en me plongeant dans sa « Porcelaine de Chine ». Ce sentiment d’éclatement entre un passé collectif troublant et un avenir incertain, c’est celui-là même qui m’habitait à un moment de mon adolescence, la lire a produit en moi un réel effet de catharsis. Voir son texte publié dans un ouvrage aux côtés de cette grande dame, c’est comme me proposer un dîner à la chandelle. Je suis plus que flattée.
Votre nouvelle, qui s'intitule "Bonne année !", est celle qui ouvre l'anthologie. Est-ce un choix délibéré de la part du coordonnateur que la plus jeune auteure soit placée en tête du livre ou bien un hasard ?
Un choix délibéré ? Je ne saurai vous répondre. J’ignore si cela relève du choix du titre ou d’un simple hasard. J’espère que cette année a été bonne pour tous les amoureux de la littérature congolaise.
Parlez-nous de cette nouvelle. Qu'avez-vous voulu transmettre comme message au lecteur ? Quelle était votre intention en écrivant ce texte ?
Tout simplement la bonne nouvelle ! Que les choses peuvent changer si chacun allait vers l’autre. Dire aux uns et aux autres que rien n’est plus important que la famille, l’unité et que le linge sale doit se laver en famille. Le Congo est une grande famille. Et comme dans toutes les familles, les divergences et malentendus ne manquent pas. Le silence tue. Seule la parole libère. Il faut éviter de s’isoler quand tout va mal, toujours se « communecter », se connecter aux siens, à la communauté, là est la clé du bonheur à mon avis.
Il y a beaucoup de références musicales dans votre nouvelle. La littérature est-elle pour vous irrémédiablement liée à la musique ?
La littérature est pour moi la musique du cœur. Elle vient du plus profond de nous, elle est en chacun de nous. Je ne peux pas réfléchir sans penser à une note de musique. Cela est sans doute dû à l’oralité, cet héritage que nous avons tous en commun. Je me représente les griots traditionnels africains à l’instant où j’écris, avant de coucher chaque mot, je me demande ce que eux auraient pu dire. C’est ce qui m’a poussé à faire du slam à un moment donné de ma vie.
Voici comment votre héroïne décrit Brazzaville : "Une ville femme. Celle qui vous joue toutes les cartes : caprices, galères, dépenses toute l'année." Est-ce également la conception de l'auteur que vous êtes sur la capitale de la République du Congo, sur le pays entier qui fait parler de lui en ce moment, sur le plan politique ?
Ah ah ! Qui aime bien châtie bien ! Toutes les belles femmes ont pour réputation d’être capricieuses. Cela n’empêche pas les gens de les apprécier. Au moment où je rédigeais cette nouvelle, je pensais à l’expression « Ville Caméléon ». Je suis un peu triste et gênée d’entendre ce que l’on dit d’elle actuellement. Je pense que Brazzaville est une ville qui a toujours été mémorable, que ce soit sur le plan historique, politique, social et culturel. C’est l’ancienne capitale de L’Afrique équatoriale française, la ville du majestueux fleuve Congo et de ses talentueux artistes, celle qui accueillait, il y a quelques années, un forum consacré à la paix et à la réconciliation en Centrafrique et il nous faut garder cette réputation.
Aviez-vous publié auparavant ou bien est-ce que c'est cette anthologie qui signe votre acte de naissance en littérature ?
J’ai commencé à écrire en participant à des concours d’écriture ici et là. Ensuite en découvrant le slam, je me suis accrochée à la littérature. Par ailleurs, ma première participation à la publication d’un ouvrage collectif s’est réalisée avec « Nouvelles voix de la poésie congolaise », une anthologie publiée sous la coordination de Bienvenu BOUDIMBOU en 2012.
Quel regard portez-vous sur la littérature congolaise ?
C’est un regard positif. La littérature congolaise se porte bien. Elle ne cesse d’émouvoir au-delà des frontières du pays. Elle est fortement représentée au niveau international à travers des festivals et salons du livre. Je suis heureuse de vivre cette nouvelle forme de phratrie qui se dessine à travers la publication de nombreux ouvrages collectifs autour de la littérature congolaise à l’instar de « Sirènes des sables » et « Franklin l’insoumis » et bien d’autres.
Quels sont vos projets actuellement ?
J’ai un fort penchant pour les enfants et je souhaiterais leur consacrer mon temps. Je prépare un récit jeunesse inspiré de mon expérience à la tête du projet « Artistes en herbe » (projet initié par l’artiste belgo-congolaise Syssi Mananga, ayant pour but d’offrir des cours de musique et d’art aux enfants vivant dans des centres d’accueil au Congo). Pendant les deux années passées à côtoyer des enfants vivant dans quatre orphelinats de la ville de Brazzaville, l’idée m’est venue de parler de ses petits bouts de bois de Dieu. Un moyen pour moi de les remercier de m’avoir ouvert les portes de leur cœur.
Anthologie des 60 ans de la littérature congolaise (1953-2013), Noces de diamant, Sous la direction d'Aimé Eyengué, Paris, L'Harmattan, 2015.