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Valets des livres
22 juillet 2019

Agonies en Françafrique, de Dina Mahoungou

La guerre s’est plusieurs fois déclarée au Congo-Brazzaville, marquant si profondément la société congolaise qu’elle ne pouvait pas ne pas constituer l’un des thèmes privilégiés chez les écrivains natifs de ce pays, dans leurs œuvres postérieures à ces événements. J’ai déjà exprimé cette pensée en préambule de l’article que je consacre au Fragment d’une douleur au cœur de Brazzaville, de Noël Kodia, article que l’on peut retrouver ici.

 

COUV Dina Mahoungou 1

 

C’est comme un devoir de s’exprimer sur cette période sombre de l’histoire du Congo et Dina Mahoungou ne rechigne pas à la tâche. Dans son roman Agonies en Françafrique, il revient sur cette période de guerre, qualifiée de tribale, au cours de laquelle les pires horreurs ont été commises, si bien que le Congo était devenu « un conservatoire des maux de l’humanité » (page 38). L’un des personnages du roman estime même que son « Congo natal » est « une terre maudite, obscure, violente, chaotique, horrible et morticole ». (Agonies en Françafrique, page 50).

Comment des hommes politiques ont-ils pu laisser s’installer le chaos dans leur pays, alors même qu’ils sont censés faire en sorte que leur pays devienne, grâce à leur action, un pays de distinction ? Celui qui se dit homme d’état et qui laisse son pays mourir à petit feu est-il un véritable homme d’état ? Pour Dina Mahoungou, la réponse est claire, il s’agit plutôt d’un opportuniste :

« Dans le sourd éclatement des bombes, dans la lâcheté des massacres de milliers d’innocents, c’est un fait évident aux yeux de tous : les opportunistes n’ont jamais rien aimé, même pas leur propre pays. » (Agonies en Françafrique, page 79)

Le roman se concentre sur une famille, les Matouba-Touba, dont l’histoire s’écrit à l’encre rouge-sang. Bien évidemment il faut trouver un responsable à cette déliquescence, et le bouc émissaire tout trouvé, c’est toujours... la femme, comme nous le déclarons dans un des chapitres de notre essai L’image de la femme à travers 25 auteurs d’Afrique, qui porte justement le titre de « Bouc émissaire » :

C’est un constat qui se vérifie dans tant de romans, comme dans celui de Dina Mahoungou : « En France, le bouc émissaire qu’on chargeait de tous les péchés d’Israël était la pauvre mère qui n’avait pas réussi l’éducation de ses enfants. »

Agonies en Françafrique est un voyage entre le Congo et la France, entre l’Afrique et l’Europe, entre le passé et le présent. Mais que retenir de toutes ces trajectoires humaines qui finissent par exploser sous les yeux du lecteur ? Sans doute cette pensée profonde :

« Au Congo, en France, en Belgique, partout où il y a la violence, la vie se déroule toujours pareille avec le trépas au bout. » (Agonies en Françafrique, page 216).

 

Photo Dina Mahoungou

 

Dina MAHOUNGOU, Agonies en Françafrique, Paris, L’Harmattan, 2011, 26 €.

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Commentaires
K
Les témoignages sont là, les écrivains ont fait leur part, et la postérité tirera ses conclusions, comme tu dis, mais au moins elle ne pourra pas dire qu'elle n'a aucun moyen de s'informer sur cette partie de l'histoire du Congo ; et il vaut mieux, dans ces cas-là, se tourner vers ceux qui ont vécu les événements de l'intérieur. Merci de ta visite, cher Raphaël.
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S
Ne jamais dire que le mal est trop grand ou trop profond pour être raconté. Il ne faut pas hésiter à dire comment on le voit, comment on le vit. La postérité fera ce qu'elle voudra des écrits. C'est réjouissant de savoir que les Congolais expriment leur sentiment sur la réalité de leur pays plutôt que de laisser ce travail aux étrangers. Le nom du Congo est sur toutes les lèvres, dans tous les esprits. Mais que retenir de la réalité du Congo ? Quelle est la parole des filles et des fils de cette terre ? Cette dernière question me semble primordiale.
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