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Valets des livres
22 mai 2021

Anthologie poétique de Frédéric Ganga

Au bout de quarante années de productions poétiques, l’idée de faire paraître une anthologie est apparue comme une évidence pour le poète Frédéric Ganga. Ainsi nous propose-t-il son Anthologie personnelle, sous-titrée « Renoncer à être ange ». S’il renonce à la qualité d’ange, Frédéric Ganga embrasse résolument sa condition d’homme. C’est un être humain qui se présente à nous, dans toute sa sincérité, avec ses rêves, ses aspirations, ses expériences, ses faims… Il y a une faim en particulier qui domine toutes les autres : la faim d’humanité, de fraternité. Et en cela le premier texte de l’anthologie, premier poème du poète, est symbolique :  il décline la carte d’identité affective du poète, il dit le besoin de la présence de l'autre. 

 

COUV Anthologie Frédéric Ganga

 

Frédéric Ganga écrit pour qu’il fasse plus humain en nous, autour de nous. Le monde tel qu’il va laisse de moins en moins de place aux sentiments, aux émotions, aux valeurs comme l’amitié, l’empathie… Ce qui prime au contraire, c’est davantage le profit, le capital, les intérêts personnels… La poésie nous aidera sans doute à nous recentrer sur l’essentiel, à regarder au-dedans de nous, pour aller chercher ce que nous avons de plus beau.

Mon quotidien

C’est tout un peuple d’alchimistes

Pour transmuter la rouille de l’Eden en or humain

(page 99)

 

Mais si le poète crie son besoin de présence humaine, c’est aussi parce que l’homme est, sans que l’on ne s’en rende vraiment compte, sensiblement relégué dans les coulisses pour que la machine prenne toute la place. La machine est reine et l’homme devient accessoire. Frédéric Ganga a bien raison de nous mettre en garde dans le poème « Plus la machine augmente, plus l’Homme diminue » :

 

Je crois que nous préparons « le monde sans nous »

Il y eut le monde sans machine et sans Homme

Puis le monde sans machine

Nous vivons dans le monde des machines et de l’Homme

Déjà se profile

Ce que nous pourrions appeler prosaïquement

Le monde sans Homme

Ce que poétiquement

Et pour la dernière fois nous appelons

Le monde sans nous

(page 241)

 

Frédéric Ganga voit aussi la poésie comme une source de régénérescence. « J’écris pour vivre entier une nouvelle vie » (p. 141) Le poète espère la naissance d’un nouvel homme, c’est-à-dire un homme qui ne piétinera pas l’autre au nom de sa propre gloire ou de la gloire de son pays, un homme qui ne jurera pas au nom de la tribu, au nom de sa religion, bref un homme qui verra dans l’autre son propre reflet, qui le considérera comme son frère, quelles que soient ses croyances, ses mœurs, la couleur de sa peau, le poids de son portefeuille. Mais les hommes aujourd’hui connaissent-ils un autre langage que celui des armes ?

J’attends l’homme nouveau qui saura faire signe

Sans tuer de sang-froid, sans verser de sang chaud

Sans glacer les étés cordiaux de la jeunesse

Qui voudrait juste avoir un sentiment de plus

Que la gloire, le devoir, la nation, la tribu.

(page 144)

 

On l’aura compris, la foi de Frédéric Ganga en la poésie est énorme. Ses vertus sont multiples. Ceux qui la considèrent comme étant inoffensive se trompent :

Le poète

N’est pas l’enfant engourdi qui sommeille en chacun de nous

Ici l’enfant est éveillé et mord encore 

(p. 142)

 

En effet, les poètes peuvent se montrer si offensifs que leurs textes deviennent des armes, pour éveiller les consciences, comme dans le poème « Nicolas le petit », dont le titre fait écho au pamphlet de Victor Hugo « Napoléon le petit », dans lequel Frédéric Ganga s’attaque à la vision d’un candidat au poste de président de la République française. On n'a pas besoin de le nommer, on l'aura reconnu. Voici les dernières strophes de ce poème, qui est aussi efficace (voire plus efficace) qu’un discours politique :

 

Si tu crois que la France est un monde homogène

De mâles fiers, nés pour régner sur l’étranger

La femme, la jeunesse et les domestiquer

Afin que la testostérone nous gouverne

 

Tu voteras, mon ami

Pour Nicolas le petit

 

Mais si tu sais l’Amour et la Joie d’être Ensemble

Le besoin de Partage et l’atout du Pardon

L’absolu Métissage et la force du Don

Le Mystère où l’Esprit et la Chair se rassemblent

 

Ne vote pas, mon ami

Pour Nicolas le petit !

(pages 155-256)

 

Comme on peut le voir, les thématiques des poèmes sont diverses et variées. Cette anthologie est un voyage poétique qui réserve au lecteur des escales étonnantes, enrichissantes aussi bien que divertissantes. Elle est surtout une invitation à « Chercher l’amour à la source des haines » (p. 71).

 

Frédéric Ganga, Anthologie personnelle, I Renoncer à être un ange (1980-2020), Editions du bon sorcier, 2020, 478 pages.

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