Le temps et l'ennui selon Anaëlle, au Grand Slam du 77
Je pensais qu’il faudrait beaucoup de temps pour motiver ma fille (la deuxième) à s’essayer à l’expression poétique, l’expression orale en particulier, devant public. Je me disais qu’il faudrait encore plus de temps pour qu’elle y prenne plaisir. J’ai constaté que plus je leur parle de tout ce qui est en rapport avec les mots, plus je leur parle d’auteurs, de livres, de littérature, plus mes enfants deviennent réfractaires à la littérature. Est-ce moi qui les rebute en leur en parlant trop ou elles qui ont une réaction négative juste pour me désespérer ? J’avais peine à déterminer si c’était seulement une posture ou si, vraiment, le pouvoir des mots n’avait plus d’effet sur elles ? Je dis « n’avait » parce qu’il fut un temps où elles lisaient beaucoup. Mais à présent le dessin, et aussi les écrans il faut le dire, semblent avoir leur préférence.
(Crédit photo : Atelier Photo du Loing)
Il aura fallu cet atelier slam avec Lord Myke Jam pour que je m’aperçoive que sous l’apparente indifférence couvait encore une braise qui s’est allumée si vivement que j’ai été bien surprise. Surprise de voir Anaëlle se saisir de l’opportunité d’écrire un texte personnel et de l’interpréter devant un public.
A quelques semaines du tournoi ''Grand Slam du 77'', elle me dit :
« - Maman, est-ce que j’ai le droit de dire un autre texte que celui que j’ai répété jusque-là ? En fait hier soir, j’avais du mal à m’endormir et j’ai écrit un autre texte.
- Tu as le droit, si ton texte ne te plaît plus ou te plait moins, d’en écrire un autre, à condition que tu sois prête pour le tournoi et que tu le maîtrises, que tu le connaisses par cœur.
- Oui, je serai prête maman, t’inquiète. »
Au fond de moi, je me suis dit : « Eh bien, l’inspiration aurait-elle tenu ma fille éveillée ? En voilà une bonne nouvelle ! » Et quand je l’ai entendue lire son texte, j’ai trouvé qu’il était pas mal ! Je sentais qu'il venait de ses tripes, que cela lui tenait à coeur de dire ce qu'elle disait.
Visiblement, mon avis positif n’était pas simplement dicté par les sentiments d'une mère fière de sa fille, car avec ce texte, non seulement elle a été sélectionnée pour représenter son établissement au Grand Slam du 77, mais encore elle a fait partie des finalistes du tournoi, elle est arrivée cinquième au classement, parmi une centaine de jeunes poètes !
Ah poésie, quand tu nous tiens !