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Valets des livres
29 janvier 2019

Le Phoenix, d'Aïssatou D. Ehemba

Aïssatou D. Ehemba est l'auteure de deux romans et le second se présente comme une enquête policière. Comme dans la série policière "Clombo", les coupables sont connus d'avance, mais comment la police réussira-t-elle à les démasquer ? Et d'ailleurs le mystère sera-t-il entièrement élucidé ? Seul le lecteur aura ce privilège...

 

Interview publiée dans AMINA N°584 de janvier 2019

 

"Aïssatou D. Ehemba expérimente le polar"

Avec « Le Phoenix », son deuxième roman, Aïssatou D. Ehemba entraîne le lecteur dans une intrigue policière qui le fait voyager principalement entre la région parisienne et la côte d’azur, avant de l’inviter à découvrir l’Indonésie. A travers ses personnages, originaires de l’Afrique noire, du Maghreb, du Portugal, et de différentes régions de France, l’auteure évoque la France multiculturelle et crée une ambiance qui séduit tout de suite le lecteur. En se lançant dans le policier, un genre que les écrivaines d’Afrique investissent peu, Aïssatou D. Ehemba réussit un coup de maître.

 

 

Amina Janvier 2019 001

 

Aïssatou D. Ehemba, vous campez des personnages qui réservent des surprises au lecteur. Qu’ils paraissent avoir réussi leur vie ou qu’ils semblent se trouver sur une pente raide, ils ont des blessures qu’ils croient cicatrisées mais qui saignent encore selon les circonstances. Comment surmonter les épreuves de la vie ?

Avec beaucoup de courage et de l’optimisme. Eva cartier par exemple avait tout pour réussir au départ, puis un accident de la vie et une dépression étant survenus, elle s’est laissée aller. Pour moi, tout le monde a droit à une seconde chance. Il faut savoir la saisir. Elle l’a fait et tel un Phoenix, elle va renaitre de ses cendres en faisant certains choix.

 

Vos héros sont des jeunes de banlieue qui se livrent à la délinquance, jouant chaque fois au chat et à la souris avec la police, au grand dam des parents qui aimeraient voir leurs enfants suivre le droit chemin. On voit par exemple la détresse de la maman de Kader, qui se plaint de ce que tous ses garçons « avaient mal tourné ». Autrement dit, l’éducation est une armure bien faible dans la jungle de la banlieue ?

 

Eduquer ses enfants est quelque chose de très difficile. Il n’y a pas de recette miracle et beaucoup de parents sont dépassés aujourd’hui. Il n’y a qu’à voir la multiplication des émissions comme « Super Nanny », « Pascal le grand-frère » ou d’autres…. Mais d’autres font de leur mieux en inculquant des valeurs et des principes à leurs enfants mais ils sont aujourd’hui en concurrence avec la rue et ses règles.  La mère de Kader est vaillante et travailleuse. Mais lui comme ses frères n’ont pas suivi le droit chemin qu’elle souhaitait pour eux. Seule sa fille se donne les moyens de s’en sortir.

 

Vous dites des jeunes femmes vivant dans les quartiers difficiles, qu’elles « risquaient leur vie et leur honneur dès qu’elles mettaient le pied hors de leur habitation ». Si vous étiez Maire ou décideur politique, quelles actions mèneriez-vous pour que la vie dans certains quartiers soit plus sereine et non toujours associée au danger ?

 

J’ai un peu exagéré cette phrase, mais parfois on entend des jeunes filles se plaindre d’être maltraitées verbalement parce qu’étant un peu trop coquettes. Dans les quartiers comme ailleurs on colle très vite des étiquettes peu flatteuses. Dans mon roman, les jeunes que je présente sont des gentils, ils aiment faire la fête, mais parfois ils s’ennuient et les mauvaises idées germent. Aspirant à un confort matériel véhiculé par Internet, les réseaux sociaux et les émissions de télé-réalité, ils basculent. Mais dans ces mêmes quartiers, il y a des jeunes garçons et filles très brillants et bourrés de talent. Certains finissent, avocats, médecins ou autres…

 

Justement, à côté des jeunes qui croient réussir en misant sur la délinquance, vous décrivez aussi d’autres personnages qui se battent pour gagner leur vie à la sueur de leur front, mais cela ne protège pas toujours de la misère (morale et matérielle), qui peut frapper même une personne bien située socialement, comme Eva Cartier qui devient du jour au lendemain une clocharde. La misère se trouve partout ?

 

Oui, aujourd’hui, nul n’est à l’abri. On peut tout avoir, être au sommet et tout perdre du jour au lendemain. Ce sont les aléas de la vie.

 

La lecture de votre roman est agrémentée par diverses citations qui introduisent les chapitres et en donnent l’esprit. Au vu des rebondissements et du dénouement du roman, peut-on dire que celle de Paul Eluard résume bien l’ensemble : « Il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous » ?

 

Oui, j’aime beaucoup cette citation qui est un leitmotiv que mon meilleur ami et moi ne cessons d’invoquer. Pour moi toute rencontre ou toute chose a sa raison d’être. Les orientaux parlent de destin, ‘‘mektub’’.

 

Vous citez essentiellement des auteurs d’Occident. Avez-vous aussi été touchés dans votre parcours de lectrice par des auteurs d’Afrique ? Pouvez-vous en citer quelques-uns ?

 

Ayant fait toute ma scolarité en France, c’est à l’âge adulte que j’ai été curieuse de mon pays d’origine et son histoire. Ainsi, j’ai découvert les écrits de Senghor, la romancière Mariama Bâ, l’écrivain-cinéaste Ousmane Sembène et beaucoup d’autres… L’Afrique est riche d’érudits, c’est ma fierté.

 

Propos recueillis par Liss Kihindou.

 

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