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Valets des livres
2 février 2019

Racine, de Paterne Ngoulou

Le recueil de poésie de Paterne NGOULOU porte bien son titre. "Racine". La racine est essentielle à la plante. C'est grâce à elle qu'elle se nourrit, qu'elle grandit, qu'elle tient ferme face aux intempéries. Que peut prétendre devenir un homme sans racine ? Il est semblable à une feuille que n'importe quel vent emporte.

 

COUV Paterne NGOULOU 001

 

Les racines, ce sont bien sûr nos origines, nos pères, et l'auteur fait la part belle à la figure du père, qui représente tous les aïeuls. Quand le père n'est plus, il reste les mots pour lui redonner vie, pour lui témoigner de la reconnaissance :

"Papa était tendre et plein d'avenir

Mais de la tendresse pouvait gronder le tonnerre

pour m'empêcher de baigner dans la maladresse" (page 21)

 

C'est à son père que Paterne Ngoulou dédie son livre. Cet hommage au père est doublé d'un hommage à la patrie.  Plusieurs poèmes disent l'attachement à la patrie, ils disent aussi la désolation du poète lorsque l'avenir de cette dernière s'assombrit, comme dans le poème "Brazza-ma-ville", dans lequel on peut lire ces vers :

"Tu es ma terre, celle de mes pères

Te voir à terre, je ne peux me taire." (page 28) 

 

Paterne Ngoulou s'inquiète du devenir de son pays, de ses habitants, à l'heure où "La loi de l'arme seule nourrit les cris de l'homme". (p. 24) Que deviennent les femmes dans ces contrées où le crime s'accomplit au nom de la richesse et du pouvoir ? D'une rive à l'autre du fleuve Congo, comme ailleurs dans le monde, la femme est bafouée dans sa dignité :

"Femme violée, crime voilé" (p. 24)

 

Les racines, ce sont aussi les valeurs qui font de nous ce que nous sommes devenus. Ces valeurs constituent notre équilibre. Quand elles sont détruites, il ne fait aucun doute que nous ne pouvons être des citoyens dont notre nation peut s'enorgueillir. Paterne Ngoulou interpelle dans son recueil cette jeunesse qui se laisse séduire par la politique du "vite parvenir", qui se laisse corrompre, ignorant que ceux qui les séduisent par une gloire superficielle s'assurent ainsi leur aliénation. Au lieu de produire une jeunesse nourrie de valeurs et qui se forge au fil de l'effort, le pays produit une jeunesse qui se regarde le nombril et qui ne prend garde à la décrépitude ambiante : cette jeunesse ne peut pas contribuer à changer le pays, puisqu'elle se complait dans le marasme : 

"Je vois partout écrits des mots pour faire de toi une âme damnée

Sans scrupule te vouant à une illusion salutaire

Ô jeune tu te vois vraiment populaire,

Pourtant à toi ne s'offre qu'un mirage éclair

[...]

Ô jeune tu te crois meilleur

Pourtant de toi aujourd'hui se lit la perte ;

Perte autour des valeurs qui fondent l'être.

Reste, passe en tête, mais souviens-toi que le travail seul forge les maîtres.

Être pour paraître t'amène aujourd'hui à vivre une vie de traître."

(page 43).

 

Au-delà de son Congo natal, le poète s'interroge sur l'avenir de l'Afrique, étranglée par des dictatures qui ont pris en ôtage le pays qu'ils avaient la mission de développer, de servir. Mais ces présumés chefs d'Etat ne viennent pas pour servir le pays, ils viennent se servir. 

"Ici gît Monsieur Congo, tombé au front de la raison

Et ailleurs, aux mains des Bongo,

Le Gabon gît dans sa maison." (p. 35)

 

Le peuple pourtant se lève, des voix s'élèvent, même si c'est au prix de leur vie : 

"Ils sont légion, ceux qui tombent

De la maison ils arrivent à la tombe" (p. 35)

 

Que ce soit dans le poème "A nos morts tombés dans les creux de leur cupidité", ou dans "Peuple, force, modèle de lutte", le poète salue tous ceux qui se battent pour un avenir meilleur et les encourage à poursuivre le combat pour la liberté, pour la dignité.

 

Racine, un recueil de 16 poèmes dont le lyrisme et l'engagement retiendront l'intérêt des lecteurs.

 

Extrait de la préface de Marie-Léontine Tsibinda : "Racine, de Paterne Ngoulou, se lit comme une élégie à la vie. Une vie de nostalgie parfumée dans une révolte contenue. Racine, un lieu où se côtoient passé et présent, s'enlacent mort et vie, mugissent rage et désespoir, fleurissent, fleurissent espérance et futur."

 

Paterne Ngoulou, Racine, Editions La Doxa, Préface de Marie-Léontine Tsibinda, 2017, 43 pages, 5 €.

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Commentaires
K
Merci de ta visite, cher Paterne, les lecteurs de ce blog ont, comme tu le vois, pris plaisir à découvrir ton recueil.
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P
Merci chère Liss, et merci à tous nos lecteurs.<br /> <br /> "Racine" continue sa petite route. <br /> <br /> A tous nos lecteurs, n'hésitez pas à passer commande sur https://www.ladoxa-editions.com/nos-livres-1/<br /> <br /> Je vous encourage à visiter régulièrement ce blog.
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K
Garder espoir et sourire à la vie malgré les réalités qui ont tendance à nous plonger dans le découragement, tel est en effet le dessein du poète, chère Krystele. La poésie a cette capacité de transcender le réel. Merci pour vos mots et pour votre visite.
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K
Bonsoir Liss, les vers que vous nous partagez sont d'un réalisme douloureux <br /> <br /> mais d'une grande beauté! Il faut avoir une grande force pour parler transcrire les atrocités commises au Congo avec tant de poésie et réussir à sublimer l'effroyable, pour inviter à la vie et à l'espoir malgré tout!
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S
Merci beaucoup ! <br /> <br /> <br /> <br /> Votre réponse a était si rapide... <br /> <br /> <br /> <br /> J'aime vraiment votre blog... <br /> <br /> Que du plaisir à te lire chaque fois !
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