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Valets des livres
12 avril 2017

Terrorisme d'Etat, Opération Barracuda, de Ramsès Bongolo

Découvrir l'auteur dans ses écrits, voilà ce qu'il me restait à faire après avoir rencontré Ramsès Bongolo, il y a plus de trois ans, à Brazzaville. Quiconque veut se familiariser avec sa plume n'a que l'embarras du choix, étant donné que Ramsès Bongolo a de nombreuses publications à son actif : une quinzaine, d'après la quatrième de couverture du livre dont j'ai fait l'acquisition, Terrorisme d'Etat, sous-titré Opération Barracuda. C'est l'une des dernières publications, pour ne pas dire la plus récente. Mais le titre du roman, ainsi que les problématiques qu'il laissait entrevoir ont aussi largement contribué à porter mon choix sur ce roman.

 

Couv Terrorisme d'Etat de Bongolo

 

 

Ramsès Bongolo apparaît dans ce livre comme un auteur préoccupé par le devenir de l'Afrique. D'ailleurs le terme "devenir" est-il approprié ? L'Afrique peut-elle rêver d'un avenir radieux alors qu'elle se trouve enchaînée ? Les chaînes qui entravent sa liberté et son épanouissement ne sont peut-être pas visibles à l'oeil nu, et pourtant elles pèsent sur la vie économique, politique et même culturelle des pays qui la composent. Leur poids se fait ressentir surtout lorsqu'une volonté politique, qui rompt avec les habitudes en cours, se manifeste. Il arrive en effet que des chefs d'Etat africains refusent de se rendre complices d'une situation qui perpétue la saignée de l'Afrique : ces chefs-là n'ont pas fait de vieux os. Le livre est dédié, entre autres, à toutes ces figures qui ont rêvé d'une Afrique digne, une Afrique forte, une Afrique unie, une Afrique qui tire profit de ses richesses. Il ne s'agit pas seulement de l'Afrique, mais de tous ses descendants disséminés aux quatre coins du monde. Cet idéal a été porté par Marcus Garvey, Malcolm X, Marthin Luther King, Patrice Lumumba, Mohammed Ali, Cheikh Anta Diop, Muammar Kadhafi. L'auteur déclar en page de dédicace : "Le monde noir vous doit une éternelle reconnaissance."

A l'instar de Waberi avec son roman Aux Etats-Unis d'Afrique, Ramsès Bongolo partage sa vision d'une Afrique qui décide de se constituer en une union forte et puissante, capable d'inverser les choses. Et cela se fera peut-être grâce à l'accession des femmes aux plus hautes fonctions politiques. Cette révolution est à l'oeuvre dans le roman, dont l'intrigue se déroule, non pas dans un pays fictif, mais au Congo Brazzaville ; et c'est une femme, Renée Portella, qui est élue présidente de la République. Elle est présentée comme une ''militante afrocentriste'' ; et elle s'est donné pour projet de "relever la tête courbée de l'Afrique". Un tel projet ne peut plaire à ceux qui souhaitent garder la main-mise sur l'Afrique et ses richesses, d'où la nécessité de court-circuiter toutes les entreprises visant à atteindre cet objectif. Il faut donc infiltrer les appareils de l'Etat, et les agents des services secrets qui découvrent la duplicité des personnalités politiques de premier plan le payent de leur vie. Les méthodes n'ont pas changé, la citation de Patrice Lumumba, qui se trouve parmi d'autres citations en exergue du roman, est encore criante de vérité et prend tout son sens dans ce roman policier : "Si je meurs demain, c'est parce qu'un Blanc aura armé un Noir".

Ce roman place le lecteur dans les coulisses de la politique et lui permet d'observer les mises en scènes qui s'opèrent dans un milieu où on choisit souvent des boucs émissaires pour couvrir des bavures politiques ; où les prétendus alliés ou amis sont parfois les pires ennemis de la République, où les charmes d'une femme sont souvent les appâts du diable.

Les sujets qui constituent l'actualité politique congolaise, comme les explosions du 4 mars 2012 dans un des quartiers de Brazzaville, Mpila, sont évoqués sans détours ; mais aussi d'autres sujets brûlants, tels les méfaits de la secte Boko Haram, le terrorisme dans le monde.  

 

J'apprécie le projet de l'auteur, qui veut participer à l'éveil des consciences, comme on peut le voir dans l'extrait ci-dessous :

"Il n'y a jamais eu de partenariat, ma belle. Il n'y a que la loi du plus fort, autrement dit l'exploitation des faibles par les puissants. Tout le reste n'est que politique ou des mots pour maquiller la grosse arnaque perpétrée depuis des siècls sur le sol africain." (page 19).

Il est regrettable cependant que de tels projets ne puissent pas bénéficier d'un vrai soutien éditorial, car les réalités de l'édition sont telles aujourd'hui que l'auteur doit se débrouiller tout seul, se risquer seul dans l'édition, avec les écueils qu'une telle démarche suppose.

Par ailleurs, le lecteur peut à juste titre se sentir frustré en refermant le livre, car toutes les intrigues ne sont pas dénouées à la fin. On est en droit de réclamer la suite et la fin de l'histoire.  

 

 

Photo Ramsès Bongolo

 

Ramsès Bongolo, Terrorisme d'Etat, Opération Barracuda, Les Editions du Net, 2016, 102 pages, 15 €.

 

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Commentaires
K
Cher Loumo, le terrorisme se retrouve à tous les niveaux aujourd'hui, et peut-être que les choses changeront vraiment lorsque la souche du mal sera arrachée, car s'il ne s'agit que de couper une branche, on n'aura rien fait. <br /> <br /> Voici d'autres citations que l'auteur a placées en tête de son livre :<br /> <br /> <br /> <br /> "Il faut bien sûr, lutter contre les terroristes avec une grande fermeté, mais il faut absolument viser la main qui les a nourris" (Yasmina Khadra)<br /> <br /> <br /> <br /> "Il est impossible de vaincre le terrorisme si l'on utilise une partie des terroristes comme un bélier pour renverser des régimes que l'on aime pas." (Vladimir Poutine)
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K
Cher St-Ralph,<br /> <br /> Le lecteur comprend que tout ce que va entreprendre cette Présidente va être torpillé, c'est parfaitement le reflet de la réalité : laisser prospérer ou bien favoriser la médiocrité et la duplicité, et empêcher les compétences, les idées révolutionnaires de se développer, c'est bien triste, mais rien ne coûte de le faire savoir, en effet.
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L
Il y a actuellement un terrorisme d'état qui effraie les Brazzavillois. Ce sont les Bébés Noirs. Agés d'au moins vingt ans, ces jeunes attaquent à la machette. Je ne sais pas si Ramsès l'aborde dans son livre. Un noir silence règne sur les "Bébés Noirs". L'état ne communique pas sur les crimes perpétrés par ces bébés en milieu urbain parce cette canaille est de mèche avec la police. La littérature congolaise ne terrorise pas assez l'Etat de Sassou. Elle n'a pas encore atteint le niveau des MISERABLES de Victor Hugo, puissant romancier qui avait réussi à faire fuir en exil le dictateur Napoléon III.
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S
"Une femme présidente de la république" ! A ces mots, je m'attendais à une fiction dans laquelle cette femme mènerait sa tâche à bien et ferait espérer une ère nouvelle avec des pistes de solutions. Dommage ! La fiction de notre ami Ramsès n'est donc que la peinture de la réalité.La dénonciation n'est pas inutile non plus.<br /> <br /> <br /> <br /> Tu parles de soutiens, Liss, à un continent qui ignore que les grands esprits ne sont rien sans de belles rencontres.
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