Pétrins, festins et destins en balade, de Pierre Ntsemou

Pétrins, festins et destins en balade est le titre du recueil de Pierre Ntsemou, auteur que j’ai découvert à Brazzaville, et qui pourtant n’est pas un novice dans le domaine de l'écriture.

Comme l’indique le titre, les nouvelles baladent le lecteur dans des contrées imaginaires d’Afrique, comme Koquinot, Makutu-Munua ou Nzonungu, des noms qui feront sourire ceux qui, outre le français, comprennent également les langues du Congo. En effet, « Makutu-Munua » et « Nzonungu » signifient littéralement « Oreilles-bouches » et « Maison du piment » ; et les habitants de  Koquinot sont appelés les « Koquins ».

 A l’instar de ses personnages, Pierre Ntsemou est un véritable coquin qui soumet le lecteur à des jeux de langue, lui fait des clins d’œil malicieux au travers de la langue dont il se sert comme une pâte à modeler, qu’il pétrit pour lui donner des formes aussi diverses et amusantes les unes que les autres. Oui, dans Pétrins, festins et destins en balade, l’auteur pétrit la langue aussi bien que les destins, pour offrir au lecteur un beau festin. J’ai tout particulièrement apprécié le langage imagé qui caractérise ce recueil. Voici un exemple, pages 40-41 :

« Mon père, ancien combattant de ‘‘la coloniale’’, tuait son temps depuis l’après-guerre en rêvant tout haut de mes sœurs, « même père ». Je n’étais fille unique que par ma mère. Deux belles jumelles, métisses, étaient nées d’une balle perdue en France dans les reins de Françoise, la Française. Mon père était fier de cette paire de boules de neige négroïdes. »

(Pétrins, festins et destins en balade, pages 40-41)

Les thèmes sont variés et les comportements des personnages parfois antagonistes. Il y a en effet un fossé entre, par exemple, le facteur de Koquinot qui, dans la première nouvelle, commence par résister aux rituels licencieux à observer en cas de naissance gémellaire avant d’y succomber malgré lui et l’héroïne de la nouvelle « Avenue Bayardelle » qui, elle, refuse jusqu’au bout d’être une « cuisse légère », c’est-à-dire une étudiante qui valide ses années universitaires « au bout de la queue des professeurs », et qui est aidée dans sa détermination par la providence.

Ce recueil nous plonge dans les mœurs africaines, j’ai envie de dire congolaises, comme le recours aux grigris et autres pratiques fétichistes dans des rencontres sportives apparemment innocentes comme le foot. La nouvelle « Les Fous du foot » est tout simplement hilarante !

Ce recueil de 90 pages à peine est un plaisir qu’on ne peut se refuser. Il se présente comme le cahier de souvenirs d’un lointain arrière-grand-père dont le descendant retrouve la trace en l’an 3013, et qui le lit avec délectation.

Les livres de Pierre Ntsemou sont des promesses de délices, comme le titre « Mon cœur, ma plume et ma muse s’amusent ». Il a plus de six ouvrages à son actif et dans tous les genres : poésie, théâtre, roman.

 Pierre Ntsemou, Pétrins, destins et destins en balade, Nouvelles, Editions L’Harmattan-Congo, 2012, 94 pages, 12 €.

Comments

[ntsemou pierre]

Liss, ta malice est aussi lisse que la belle police qui t'attend à Koquinot et ses Koquins vexés par l'attribut coquin que tu as choisi pour désigner leur créateur-auteur. Merci belle plume et coeur tendre pour ces mots puissants et vrais qui traduisent si bien le plaisir que j'éprouve à servir à l'humanité. Et pour te régaler, voilà qu'un nouveau receuil de Nouvelles: QUETE, ENQUETES ET CONQUETES DE PLAISIRS est sur ta table de lecture. Bonne dégustation!