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Valets des livres
5 août 2014

Stèles du point du jour, de Gabriel Mwènè Okoundji

Stèles du point du jour est le onzième livre de Gabriel Mwènè Okoundji et le premier que je lis de lui. Ce recueil, qui semble prolonger les précédents, livre une poésie qui se veut héritière de la sagesse ancestrale, une poésie qui renseigne sur la nourriture spirituelle qui a fait de l’auteur l’homme qu’il est devenu. Cet homme, comme l’oiseau évoqué dans le texte introductif au recueil, est « tenu par la nécessité impérieuse d’interroger  le silence de l’univers. Par son cri, par son chant, il cherche à être en harmonie avec les bruits du monde qui fondent, au jour le jour, l’équilibre du vivant dont dépendent tous les êtres de la terre. » (p. 9)

 

 

Couv Stèles

 

La poésie de Gabriel Mwènè Okoundji est une poésie philosophique, une poésie qui invite l’homme à ouvrir les yeux sur l’essentiel, une poésie qui donne des ailes à l’âme pour que celle-ci prenne de la hauteur, pour qu’elle gagne en noblesse. Le poète donne la parole à deux personnes chères à son cœur, disparues aujourd’hui : Ampili et Pampou. Le recueil est sous-titré « Dialogue d’Ampili et Pampou ». 

Ampili, c’est la tante maternelle de l’auteur, celle qui l’a élevé, dit-il, « dans tous les sens que recouvre ce verbe ». Mais cette « tante-mère », qui avait le « don magique du verbe », lui a surtout communiqué cette magie du verbe lumineux qui frappe le lecteur dès l’instant où l’on ouvre le recueil. « Ampili a donné à mes yeux la faculté de ressentir la lumière de la parole ». Au commencement était la parole, lit-on dans le livre sacré, et la parole a habité Ampili au point que, dans le regard et le souvenir de celui qui lui rend hommage dans ce recueil, elle lui donne une autre dimension : « la clarté enflammée de sa parole donnait à voir des bulles d’émotion ».  

Gabriel Okoundji n’est pas non plus sans celui qu’il nomme son « Obela », autrement dit son « proche conseiller », son « maître ». C’est un homme tout plein de sagesse, riche de l’expérience que donnent les ans, qui a, lui également, transmis au poète sa connaissance, son savoir. On surnommait d’ailleurs Pampou « le Colonel du savoir ». 

Dans leurs villages où le stylo et la feuille n’avaient pas cours, ces anciens ne se reposaient que sur leur mémoire, qu’ils avaient développée de manière prodigieuse. Ce recueil est aussi une manière pour l’auteur de rendre hommage à cette mémoire, qui a favorisé la transmission, et qui laisse transparaître toute la richesse contenue dans la littérature orale traditionnelle constituée de proverbes et de contes, qui semble ignorée aujourd’hui, comme si la littérature commençait seulement avec l’écrit. Mais même dans les temps anciens, les aèdes n’avaient que leur mémoire pour transmettre la poésie et les histoires fabuleuses inventées pour édifier l’homme.

A travers les « dialogues d’Ampili et Pampou » qui constituent ce recueil de poésie, Gabriel Mwènè Okoundji souhaite partager avec le lecteur l’essentiel de leur dire, car il estime que « ce que renferment ces dialogues est […] susceptible d’aider les humbles mortels que nous sommes à supporter l’abîme – quand vient l’abîme – sur les sentiers de la traversée de l’existence. »

Le lecteur est donc invité, non pas à découvrir le secret de la vie, car « aucun mortel sur terre ne détient le secret de la vie », mais à voir l’évidence : c’est « que tous les chemins mènent à la mort ». La vie et la mort sont les deux versants de ce recueil, et la vie se donne à voir et à vivre à travers la parole. La parole est le mot-clef de ce livre, celui qui soutient toute son architecture. « Qui atteint le silence a atteint la parole : le monde est tout entier parole », lit-on page 56.  « A chaque silence sa parole », lit-on encore. 

La philosophie dans ce recueil, c’est également apprendre à percevoir l’autre versant des choses, à ne pas se contenter du recto, mais à voir, à travers celui-ci, le verso des choses : derrière le silence, la parole ; derrière la vie, la mort etc., car « tous les chemins mènent au signe » (page 32).

  

Gabriel Mwènè Okoundji, Stèles du point du jour, Dialogue d’Ampili et Pampou, Editions William Blake & Co, 2011, 96 pages, 14 €.

Gabriel Okoundji a reçu plusieurs prix pour sa poésie, entre autres le Grand Prix littéraire de l’Afrique Noire.

 

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Commentaires
K
C'est la magie de la poésie inspirée, cher Mbimi, merci d'avoir laissé trace de votre passage ici. Au plaisir de vous relire !
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M
Parvenir à glisser une cosmogonie dans une poésie dialogique et aphoristique relève de la magie. Okoundji n'est pas des nôtres. Mfumu m' adjuura wè !!!<br /> <br /> Bassimas Edmond.
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G
Merci pour cette découverte Liss, j'aime me laisser griser par la poésie de temps à autre, et j'agrandirais certainement ma PAL avec ces stèles du point du jour pour percevoir l’autre versant des choses.<br /> <br /> <br /> <br /> Grace
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